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Il y a 11 jours | 61 vues

Grâce à ma mère de Schoschana Rabinovici

 « Nous, les enfants, nous oubliions de jouer, nous oubliions de rire, nous étions tristes, glacés, perpétuellement en proie à la faim, nous apprenions à vivre silencieusement, à nous regarder et à écouter les conversations des adultes. »

Jamais les enfants ne devraient vivre ça. Mais, tapis dans les caves du ghetto de Wilno, entassés sur des châlits dans le camp de concentration de Kaiserwald, travaillant comme des adultes dans le camp d’extermination de Stutthof ou titubant entre les corps durant la marche de la mort d’évacuation des camps, ces enfants martyres n’eurent d’autre choix pour survivre.

La petite Susie Weksler avait 9 ans quand les allemands envahirent sa ville de Wilno en Pologne. Commença alors en cette année 1941, pour elle, sa mère Raïa et toute la population juive polonaise de la ville, un calvaire qui dura pendant 4 longues années. Elle vécut l’impensable, l’insupportable, fut malade, blessée, enfant au milieu d’adultes, qui apprenait dans la douleur ce qu’était l’anéantissement de tout un peuple.

Sa mère Raïa fut le moteur de sa survie, la cachant, la soutenant, la faisant passer pour une femme et lui donnant la force, par ses mots, de supporter l’insupportable pour continuer à vivre, quoiqu’il arrive.

Ce récit est un déchirement mais il constitue un témoignage essentiel, à travers un regard d’enfant sur l’enfer nazi. Je l’ai lu en apnée, tentant de garder un certain recul face aux mots de Susie que l’autrice a retranscrits tels que la petite fille les a pensés, sans jugement, juste en ressentis.

De nombreuses annexes complètent et enrichissent ce livre dont un plan du ghetto, un arbre généalogique de la famille presque totalement disparue de Susie, ainsi que des textes de son fils cadet, Dorion Rabinovici, historien et essayiste.

Il faut absolument lire « Grâce à ma mère » pour avoir cette autre vision, à la fois naïve et tellement réaliste, de la machinerie nazie et de ses acteurs. Et gardons en tête cette réflexion si tristement actuelle de Dorion « on n’a pas vaincu ce qui a conduit jadis aux camps d’extermination ».

Pour terminer, je laisse la parole à Susie devenue Schoschana Rabinovici à la libération, pour ces derniers mots qu’elle prononça à 86 ans : « Soyez à partir à partir de maintenant les témoins de notre souvenir. Vous nous avez entendus. Racontez-le. Reprenez notre combat contre le mensonge, contre l’oubli. »