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SophieCSB
Champion

Il y a 3 mois | 124 vues

La porte du voyage sans retour, de David Diop

1806 : Michel Adanson vient de mourir. Sa fille Aglaé, héritière de ses biens, récupèrent meubles et écrits professionnels de son père dans sa demeure de province où elle a à cœur de lui rendre hommage en créant un jardin digne de son nom. Ainsi, en fouillant dans un secrétaire, elle découvre des cahiers relatant la jeunesse de son père, parti plusieurs années au Sénégal. Elle commence à lire et découvre un être différent de celui qu’elle a connu.

1750 : Michel Adanson arrive au Sénégal, excité à l’idée de découvrir la flore et la faune locales. Plus ou moins aidé par les autorités françaises de Saint Louis, il part à l’aventure avec une petite troupe afin de rejoindre l’île de Gorée. Tout au long de son voyage, il n’aura de cesse de comprendre son nouvel environnement, apprenant le wolof, mangeant comme les indigènes.

Son odyssée sera accompagnée de bien des légendes sénégalaises, mêlant rois et esprits, jusqu’à ce que l’histoire de Maram arrive à ses oreilles : cette jeune femme aurait été enlevée pour devenir esclave aux Amériques, puis serait revenue au pays, plus forte que jamais. C’en est fait de Michel Adanson qui n’aura de cesse de retrouver la belle Maram.

 

Les romans historiques basés sur des faits réels sont toujours les plus prenants : savoir que tant d’aventures ont réellement eu lieu me laisse stupéfaite de tant de courage et de persévérance. L’histoire de Michel Adanson n’y coupe pas : partir au Sénégal au 18ème siècle était vraiment risqué, les Blancs étant surtout vus comme des prédateurs, des destructeurs de civilisation par les autochtones. C’est bien la traite négrière qui enrichit la France depuis le Sénégal et toute personne venant là pour autre chose est déjà un suspect. Que vient faire un botaniste dans notre commerce si bien réglé ? L’arrivée de Adanson est donc mal vue et il devra jouer les diplomates pour obtenir une escorte.

C’est dans ce contexte peu chaleureux qu’il partira avec des guides et porteurs locaux avec qui il finira par développer une certaine amitié. Michel Adanson s’enrichit de leurs histoires et de leurs connaissances ; il leur explique le monde derrière les océans. Sa volonté d’adaptation au pays est notable car les Français n’ont jamais cherché à connaitre les peuples asservis, les considérant au mieux comme de la marchandise, au pire comme des sauvages. Il est donc une exception et l’auteur nous relate très bien la transformation des valeurs de notre jeune botaniste : l’homme Blanc ne sait pas tout, il n’a pas le monopole du style de vie, la religion ne guide pas toujours les hommes sans pour cela les rendre idiots.

Et quand Michel entend parler de la légende « Maram », ce sont les sentiments qui entrent en jeu. En réunissant toutes les informations possibles, il finit par n’avoir que cette quête, retrouver Maram, et c’est une autre histoire qui commence, celle d’un homme qui tombe amoureux mais que ses dernières barrières morales empêchent d’imaginer un avenir ici au Sénégal, avec elle. La fin, absolument terrible mais grandiose, est très visuelle, presque comme un ralenti de cinéma. C’est magnifique à lire, à s’imaginer.

Cette confession littéraire est magnifiquement écrite par David Diop qui a su y mettre de la fougue et du sentiment, de la beauté et du réalisme. Les personnages sont bien dans leur rôle, du plus tendre au plus cruel, et les paysages sont plein de chaleur et de couleur. L’ambiance est donc parfaitement retransmise et c’est avec beaucoup d’émotion que j’ai refermé ce roman que j’ai lu d’une traite.