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SophieCSB
Champion

Il y a 3 mois | 79 vues

Tant de nuances de pluie, d'Asha Lemmie

Kyoto 1948. La jeune Nori Kamiza, 8 ans, est abandonnée par sa mère au pied de la maison de ses grands-parents. Ceux-ci sont de très haute lignée, notamment sa grand-mère qui recueille du bout des doigts cette bâtarde sans valeur. Grandissant dans le grenier de la maison, Nori est persuadée qu’elle n’est rien, qu’elle est la cause de bien des malheurs dans sa famille.

Jusqu’au jour où elle apprend qu’elle a un demi-frère, Akira, qui veut la connaitre. Commence un amour sans borne envers ce frère qui lui fera découvrir la musique, la nature, l’histoire de sa famille. Nori semble enfin heureuse. Mais c’est sans compter sur le machiavélisme de sa grand-mère, pour qui seul l’honneur de la famille compte. Akira doit se préparer à prendre la tête du clan Kamiza, et Nori ne doit pas le détourner de cet objectif. Ainsi, elle fera tout pour briser cette amitié entre les deux enfants, jusqu’aux actions les plus cruelles…

Pendant deux décennies, la vie de Nori sera faite de hauts et de bas, le plus souvent auprès de ce frère chéri, mais aussi dans les bas-fonds de Kyoto ou dans l’Angleterre des années 60. Elle aura toujours le poids de sa propre existence sur le cœur, persuadée d’être une anomalie dans sa famille qui lui aura fait tant de mal. Finira-t-elle par accéder au bonheur, librement ?

 

Ce roman aborde bien des sujets, en particulier le sort des petites filles dans le Japon de l’après-guerre. Battu, humilié, le pays a du mal à redevenir l’empire qu’il a été. Les mœurs changent difficilement, et les grandes familles ont l’honneur chevillé au corps. Alors quand une petite bâtarde débarque chez les Kamiza, le souffre-douleur est tout trouvé. Nori sera ballottée comme une vulgaire marchandise non seulement pour qu’elle laisse son frère accomplir le destin qu’on lui a choisi, mais aussi afin de ne pas souiller la famille par sa seule présence. Un tel degré de cruauté formera forcément le caractère de Nori. Non, il ne fait pas bon être une fille dans le Japon des années 40 / 50.

Justement, ce Japon est (presque) une découverte pour moi. Pays de culture très différente de la nôtre, je constate ici les difficultés d’ouverture aux autres du Japon. Certes, perdre la guerre n’a pas mis le pays sur de bons rails, mais les gouvernants et la population n’en ont pas profité pour repartir sur de nouvelles bases. Visiblement, l’honneur et les traditions sont plus importants que le bonheur et les sentiments, et ce jusqu’à un point qui nous parait excessif.

Pour un premier roman, Asha Lemmie nous offre là un roman éblouissant, écrit de façon précise et travaillée. Les personnages sont entiers et caractéristiques de leur époque, les odeurs et la nature du Japon sont très bien rendues. On est tout de suite emporté par cette épopée à la fois douloureuse et incroyable. J’ai eu beaucoup d’empathie pour Nori, et même si la fin ne me plait pas du tout, je garderai un excellent souvenir de cette lecture.