Retour
visuel principal de la chronique
AMB37
Légende

Il y a 3 mois | 187 vues

BETTY (Tiffany McDaniel)

Je viens de quitter la famille Carpenter, l’ayant accompagnée pendant 697 pages sous la plume de Tiffany McDaniel  qui n’est autre que la fille de Betty, la narratrice de ce roman aux voix inoubliables. Un vrai coup de cœur pour moi !

On est à Breathed, dans le sud de l’Ohio, dans les années 60 à 70. 

« Tout autour (de Breathed), les collines s’élevaient telles de grandes exclamations lancées par l’homme à l’adresse des cieux. Connues pour l’appellation de contreforts des Appalaches, ces masses de grès nu présentaient des crêtes, des falaises et des gorges taillées et sculptées par la pointe des glaciers. Tapissées d’un mélange vert de mousses et de lichens, les formes prises par la roche ancienne portaient les noms des choses auxquelles elles ressemblaient : La Table à Thé  du Diable, le Cerf Boiteux et l’Ombre du géant. Des noms transmis de génération en génération comme s’ils étaient aussi précieux que des bijoux de famille. »

Voilà pour le décor, une belle incitation aux voyages, celui des yeux, celui de l’âme, dans un style lyrique et poétique, tout en traversant des gouffres de chagrins et de cruauté qui n’épargnent ni les personnages (histoire vraie) , ni le lecteur .

Tout au long de cette saga, je n’ai pu m’empêcher de penser à mon enfance, mon adolescence sur cette même période, sidérée par la violence faite à Betty par ses camarades de classe et ses enseignants. La société pétrie de traditions et de discriminations envers les amérindiens ,  ne fait pas de cadeau à cette famille qui réunit Alka Lark, une femme brisée à  Landon Carpenter, un chef Cherokee, avec onze enfants dont certains n’auront qu’un court passage dans la vie. On suit de près , la sixième née, Betty. La plus marquée physiquement par ses origines de sang-mêlé, mais la plus forte sans doute de la fratrie, une petite guerrière, une fille saisissante et pleine de vie qui m’a bouleversée. Elle nous confie son amour pour la Nature, son admiration pour son papa qui lui transmet sa connaissance des plantes, les rituels de son clan, les légendes qui sont des chemins de vie initiatiques. Elle aime écrire, partout et sur n’importe quel support à l’instar de Trustin, son frère qui dessine et peint, alors que leur père sculpte : comment ne pas s’émouvoir de cette canne qui porte les visages de ses enfants , de cette demi pomme en pendentif au cou d’Alka et Landon ? Des symboles d’amour.  Ce père est lumineux de sagesse et de tendresse , c’est un magicien toujours prêt à habiller la laideur de la vie, il m’a beaucoup émue : 

« (Alka, sa femme) Il y a des hommes qui connaissent le montant exact de leur compte en banque. Il y a ceux qui savent combien de kilomètres indique le compteur de leur voiture (…). D’autres connaissent le score à la batte de leur joueur de base-ball préféré(…). Ton père, lui, ne connaît rien de tout ça. Les seuls nombres que Landon Carpenter a en tête, c’est le nombre d’étoiles qu’il y avait dans le ciel la nuit où ses enfants sont nés. ».

Betty raconte les drames, les petits bonheurs, les rêves, mais elle est aussi dépositaire des terribles secrets qui couvent dans la famille et sa mère ne l’épargne pas. La « petite indienne » comme l’appelle son papa, se libère comme elle peut des actes monstrueux dont elle est témoin : elle les écrit, elle les enfouit, elle les enterre dans des bocaux . Mémoire et oubli, mais pas de déni, le roman est dans la vraie vie. C’est poignant.

« Betty » m’est tombé sous les yeux dans le rayon de ma librairie. Son bandeau « Prix du roman Fnac », « Prix América du meilleur roman étranger », « Prix des libraires du Québec » m’a attirée.

 Le commentaire de Francois Busnel( la Grande Librairie) Un livre exceptionnel, sublime, coup-de-poing. Un futur classique de la littérature américaine »  m’a semblé une belle promesse. 

Ça l’est effectivement, le grand jury FNAC de 2020 a découvert une pépite ! Merci.❤️👍