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Lebrac25

Il y a 3 mois | 97 vues

Mourir pour des idées

Durant l'année 1793 - en pleine période d'intransigeance révolutionnaire que l'histoire surnommera la terreur - trois hommes vont se livrer une guerre ; mais plus qu'un simple affrontement sur le terrain entre ennemis mortels, la guerre sera aussi intérieure pour ces personnages qui sont autant des hommes de chair et de sang que de véritables incarnations de leurs idéaux, de leur vision de la justice, de la morale, de la loyauté .

En bretagne, dans la forêt, combat le marquis de Lantenac . Royaliste qui conduit l'insurrection vendéenne contre-révolutionnaire, prêt à introduire les troupes anglaises en France pour sa cause . Vieil homme sec et inflexible, mais aux principes aussi enracinés et sincères que ses actes pour les faire prévaloir sont durs . Homme du passé d'une pugnacité absolue dont la consigne face aux " bleus " est de ne pas faire de quartier et qui n'épargne pas ses hommes si ceux-ci nuisent à leur camp d'une manière ou d'une autre .

À Paris veille Cimourdain . Républicain d'une droiture extrême et au jugement inexorable . Partisan de la terreur, mal nécessaire pour cautériser radicalement la plaie ouverte par la guerre civile et son cortège de massacres fratricides . Motivé plus par la crainte de perdre ce que le peuple a dû si cruellement acquérir que par réelle soif de sang car, comme il le dira lui-même : " De ce provisoire sortira le définitif. Le définitif, c’est-à-dire le droit et le devoir parallèles, l’impôt proportionnel et progressif, le service militaire obligatoire, le nivellement, aucune déviation, et, au-dessus de tous et de tout, cette ligne droite, la loi. La république de l’absolu . "

Entre ces deux volontés jusqu'au-boutistes, on trouve Gauvain . Jeune vicomte, neveu de Lantenac et fils adoptif de Cimourdain . Fils adoptif reconnaissant et aimant, révolutionnaire tourné vers le progrès humain, souhaitant l'emporter par ses valeurs plutôt que par la force brute, à Paris on se méfie de plus en plus de ce ci-devant qui gracie des prisonniers, qui ose déclarer : " – La tour du Temple ! j’en ferais sortir le dauphin. Je ne fais pas la guerre aux enfants. "

Ce à quoi un Cimourdain inquiet pour ce fils bien aimé, trop magnanime pour son époque, répondra :

" – Gauvain, sache qu’il faut faire la guerre à la femme quand elle se nomme Marie-Antoinette, au vieillard quand il se nomme Pie VI, pape, et à l’enfant quand il se nomme Louis Capet. "

C'est en Gauvain que la guerre se fera la plus violente lorsque les circonstances l'amèneront à un dilemme sans bonne solution, sans issue . Sa conscience transformée en champ de bataille après avoir assisté à un acte de bravoure et d'héroïsme de la part de celui qui ne s'était jusque là illustré que comme un fanatique de la royauté et un homme de barbarie, de superstitions, de féodalité . Un acte d'une clarté qui dépassera les étiquettes, les idées, les uniformes, pour relever directement de l'humain, tout simplement .

La ligne droite se courbe, les idées nous trahissent, changent, se compliquent, nos repères si sûrs vacillent et Gauvain prendra alors une décision fatale .

Louison, le " rasoir national " sera au bout du chemin .

En 1874, les fumées de la poudre de la commune ne sont pas encore dissipées et Hugo publie ce roman où ceux qui meurent et tuent pour des idées sont amenés à douter, à reculer, à s'examiner, à trahir, à entendre une autre voix . Celle de l'humain dans ce qu'elle a de plus évidente, de plus simple . Une voix aussi claire que celle des trois très jeunes enfants innocents qui seront les déclencheurs, les allumeurs de conscience pour les trois ennemis chacun à leur façon .