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Nathavh
Expert

Il y a 3 mois | 102 vues

Cher instant je te vois - Caroline Lamarche

Un poème par jour, Margarida, c’est peu et c’est beaucoup pour notre tendresse captive de ton corps mangé par le crabe sournois.

Ainsi commence ce texte comme un long poème narratif en vers libres, l'histoire d'une amitié,  hommage à la vie écrit par Caroline Lamarche juste après la perte de son amie Margarida Guia.

Un poème par jour pour accompagner une fin de vie, partager leur passion pour Pessoa, Rimbaud, emprunter une phrase de Beckett pour titre, pour ce texte très émouvant.  L'émotion est palpable à chaque page. 

Margarida d'origine portugaise était compositrice sonore, passionnée de poésie.  Une collaboration en  2014 pour "Crimen Amaris" relatant l'incarcération de Verlaine à la prison de Mons et le début d'une amitié.  Margarida meurt d'un cancer à l'âge de 48 ans en juillet 2021, nous sommes en pleine pandémie, la solitude, l'isolement, seul ce fil, ses poèmes comme contact au jour le jour lorsqu'elle rejoindra un centre de soins palliatifs.

La poésie pour exprimer la lumière, toujours l'espoir c'est ce qui m'a frappé, Margarida reste positive malgré sa, ses douleurs intense.s. Un corps qui brûle, des douleurs à l'intérieur,  l'image du Delphinium rongé en une nuit comme ce mal qui la ronge.   Elle veut rester dans l'instant présent, dans la vie malgré tout, malgré les pertes de son frère, de ses amis rongés du même mal, une des causes peut-être de cancer, tout comme la pollution, les pesticides.  Elle combat contre sa maladie comme elle a combattu pour ses amis, les migrants, son engagement dans la société.

Les mots sont choisis à merveille, ce texte est magnifique, un bel hommage à l'espoir, à ses combats.  Après tout que reste-t-il à la fin?  Une ode à la lenteur, à la poésie avant la disparition de notre monde en profitant des dernières gouttes de beauté que nous n'avons pas détruites.

♥♥♥♥♥

Les jolies phrases


 

Où se niche le deuil dans nos corps ? 

Ne faut-il pas laisser le côté coeur tranquille

quand il réclame un répit ?


 

Mais où est Dieu en vérité

quand s'épuisent les anges ? 


 

J'essaie d'accepter mon état.  J'espère guérir. Je le veux. Je ne m'effondre pas.

Mais la douleur me désespère.

Te raconter ma journée.  Hier chez l'ophtalmologue,

je lui ai dit que mes yeux pleuraient au vent mauvais d'avril,

que des rivières en sortaient, m'aveuglaient, effaçant jusqu'aux hirondelles.

Une malchance peut devenir une chance,

un travail, une discipline,

une simplification bienvenue. 

Ne me demandez pas si j'écris

ni pourquoi j'écris.

J'entre en poème

(si du moins ceci est un poème)

pour avoir un peu de répit

une chaise et le silence.

J'entre en poème pour faire taire

tout ce qui désespère les plus jeunes

et fait que les vieux se disent : partons vite.