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SophieCSB
Champion

Il y a 2 mois | 317 vues

La route des Indes, de Simone Van der Vlugt

Amsterdam 1623. La famille Ment vit dans un quartier honorable de la ville grâce au travail de marchant du père. Si les affaires ne sont plus aussi prospères qu’avant, elles permettent une vie correcte, faite de sorties entre amis et de soirées artistiques.

C’est lors d’une de ces soirées qu’Eva Ment, 18 ans, rencontre Jan Coen, gouverneur général de Batavia. Il est de retour en métropole pour affaires, et aussi se trouver une épouse. Contre toute attente, il tombera amoureux d’Eva et la demandera en mariage. D’abord réticente à cette idée, elle finira par accepter.

Et c’est le grand voyage pour Batavia qui commence. Il durera près de six mois, dans des conditions souvent difficiles. L’arrivée sur place se fait sans encombre. Eva va devoir s’adapter à sa nouvelle vie sous les tropiques. Elle va aussi comprendre bien des aspects de son mari, lui qui se doit de représenter la République de l’autre côté du globe.

 

Lectrice inconditionnelle des œuvres de Simone Van der Vlugt, je me suis lancée dans « La route des Indes » avec beaucoup de plaisir. Une nouvelle fois, l’auteure fait mouche avec cette histoire basée sur la vie d’Eva Ment, jeune fille de bonne famille d’Amsterdam, qui va voir son destin changer après sa rencontre avec Jan Coen, gouverneur de Batavia.

En ce 17ème siècle si prospère pour ce qu’on appelait à l’époque « la République », la vie des femmes reste bien délimitée. Elles se doivent d’être de bonnes épouses, des mères attentives et des soutiens incontestables à leur mari. Eva ne demande rien de plus à la vie, mais son penchant pour les carnets de bord et les cartes géographiques nous montrent vite qu’elle aspire à bien plus que ce rôle formaté. Aussi, même si quitter son pays lui fend le cœur, elle voit en son mariage la possibilité de changer de vie, de voir plus grand et d’assouvir sa curiosité.

Cette jeune femme, moderne par bien des aspects, va faire preuve d’un pouvoir d’adaptation et d’une résilience hors du commun. En effet, si elle comprend vite que la vie à Amsterdam ne peut pas se transposer telle qu’elle à Batavia, elle va aussi devoir composer avec ses épreuves personnelles, si douloureuses et inattendues. Pendant les quelques trois années passées sur place, Eva va se montrer une femme plus forte que jamais, vivant une vie entière en peu de temps.

Son nouvel environnement exotique va beaucoup faire évoluer sa vision du monde et la façon dont les hommes le gouvernent. A Batavia, Eva possède des esclaves, ce qui est interdit en métropole. Si elle en est choquée, elle cherchera toujours à être aimable et juste avec eux. Elle finira même par les affranchir, chose incompréhensible pour bien des habitants de Batavia.

Et puis, il y a la relation avec son mari. Homme cultivé et amoureux, il est aussi autoritaire et inflexible avec l’administration locale, militaire ou civile. Son rôle de représentant du Conseil des Dix-Sept dans les colonies lui donne un pouvoir qu’il utilise pour fortifier la place constamment menacée par les indigènes ou les autres puissances coloniales. Le commerce des épices est une source de richesses énorme pour La République qui veut en garder le monopole. De fait, Jan Coen a les mains libres pour préserver ce pouvoir. Eva le comprend mais a du mal à assimiler qu’on puisse piller ainsi un territoire, sans partage. Sa soif de justice est ébranlée, son amour pour son mari en sera changé.

Par ce mélange de personnages ambivalents et ce voyage incroyable à travers les continents, Simone Van der Vlugt réussit à nous passionner pour la vie d’une jeune femme hors de son temps, pleine d’empathie pour son prochain et résolue à prendre son destin en mains. Grâce à son écriture vive et accessible, elle nous emporte dans un tourbillon d’évènements, heureux ou malheureux, mais toujours emprunts de résilience.

Un magnifique moment de lecture que je recommande à tous les fans du genre historique !