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Lebrac25
Débutant

Il y a 2 ans | 173 vues

Traité d'optimisme en rose et noir ...

Elle est fan de Glenn Miller et des Dire straits qu'elle écoute chaque matin, sa couleur préférée est le rose dont elle apprécie la subtilité poétique, amoureuse de notre langue et de sa grammaire elle frise le conflit ouvert avec sa prof de français lorsqu'elle celle-ci lui soutient - devant la classe - les pires inepties, et elle lit ses mangas préférés dans leur japonais d'origine . 

Paloma Josse, douze ans, est une gamine surdouée . Une gamine qui se canalise tout comme un enfant hyperactif se forcerait à contrôler son énergie . Elle commence donc à se défouler intellectuellement dans deux carnets qu'elle remplit régulièrement : l'un - celui qu'elle va décrire elle même comme un jeu d'intello, très récréatif - renferme ses « pensées profondes » l'autre - tourné vers le contemplatif et l'artistique - le « mouvement du monde » . 

Tout y passe ; son quotidien nous est livré avec une verve raffinée, un humour grinçant et une fluidité rafraîchissante . Le collège, la cohabitation hasardeuse avec une sœur adepte de l'invasion sonore, les rapports entre voisins de son immeuble parisien, les propos pseudo-cyniques des amis de son père qui se donnent un genre blasé pour mieux se la raconter lors des dîners mondains … une atmosphère feutrée parcourt les deux journaux que notre protagoniste tient avec soin . On la devine sans peine dans le silence de sa chambre close, le grattement du stylo comme seul accompagnement à ses moments d'écriture . 

Mais - malgré toute son intelligence affutée et son style limpide - elle n'en est pas moins une enfant que la fausseté des adultes, la vacuité de ses proches et l'absurdité de la vie font souffrir . 

Elle conçoit un projet terrible : celui de son suicide, le jour de son treizième anniversaire . 

Sa rencontre avec Renée, la concierge discrète, taciturne, amorphe de l'immeuble va tout changer . Amorphe en apparence seulement car cette dernière, du haut de ses cinquante quatre ans, a appris depuis bien longtemps à maîtriser sa frustration et à n'en apprécier que mieux les beautés, les miracles de l'art en gardant cachée sa passion pour les choses de l'esprit . L'admiratrice inconditionnelle de Tolstoï et l'amatrice de cinéma nippon camoufle tout ça blottie dans son rôle de gardienne idiote et dans sa loge, son refuge, ou comme le dira Paloma sa « cachette » . 

L'arrivé d'un nouveau résident - Kakuro Ozu - va cimenter leur amitié naissante et terminer ce grand chambardement . 

À l'issu de cette histoire, Paloma apprendra que voir le monde en noir n'est pas plus faire preuve de lucidité que de le voir en rose ; elle apprendra que se complaire dans l'insatisfaction et la rancœur ne mène qu'a entretenir sa douleur et elle fera un magnifique passage à la maturité, la vraie : pas celle qu'affichent les adulescents . 

« N'ayez crainte, Renée, je ne me suiciderai pas et je ne brûlerai rien du tout . Car, pour vous, je traquerai désormais les toujours dans le jamais . La beauté dans ce monde . » 

Un Candide moderne . 

 


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