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Légende

Il y a 29 jours | 51 vues

JEU BLANC ( Richard Wagamese)

« Je m’appelle Saul Indian Horse. Je suis le fils de Mary Mandamin et de John Indian Horse. Mon grand-père s’appelait Solomon et mon prénom est le diminutif du sien. Ma famille est issue du Clan des Poissons des Ojibwés du Nord, les Anishinabés, c’est ainsi que nous nous désignons. Nous avons élu domicile sur les territoires bordant la rivière Winnipeg, là où elle s’élargit avant d’entrer dans le Manitoba et après avoir quitté le lac des Bois et les crêtes accidentées du Nord de l’Ontario. On dit que nos pommettes ont été taillées dans ces chaînes granitiques qui s’élèvent au-dessus de notre patrie. On dit que le brun profond de nos yeux a suinté de la terre féconde autour des lacs et des marécages. Les Anciens disent que nos longs cheveux raides viennent des herbes ondulantes qui tapissent les rives des baies. Nos pieds et nos mains sont larges, plats et forts comme les pattes d’un ours. Nos ancêtres ont appris à se déplacer sans peine à travers les territoires que le Zhaunagush, l’homme blanc, a plus tard redoutés, sollicitant notre aide pour les parcourir. Notre parole s’écoule et se déverse comme les rivières qui nous servent de routes. Nos légendes rapportent comment nous avons émergé des entrailles de notre Mère Terre – Aki est le nom que nous lui attribuons. Nous avons surgi, sans imperfections, les battements du cœur d’Aki dans nos oreilles, prêts à devenir ses gardiens et ses protecteurs. Quand je suis né, notre peuple parlait encore ainsi. Nous étions encore sous l’influence de nos légendes derrière nous. C’est une frontière que ma génération a franchie et nous languissons d’un retour qui n’a jamais pu se produire. » 

*Comment ne pas avoir envie de découvrir l’histoire de Soul qui s’inscrit dans les années 1970 au Canada où sévit une discrimination bien enracinée à l’encontre des Autochtones ? 

*Comment ne pas être touchée par son parcours, une enfance  que sa grand-mère va tenter de préserver dans la transmission des coutumes, une adolescence meurtrie dans un orphelinat , au nord de l’Ontario, et cette passion pour le Hockey sur glace qui va le faire tenir debout  sous l’emprise d’un mentor pervers ? 

*Ce récit soulève un terrible pan d’Histoire dont le Canada peine en ce moment à se remettre, c’est toujours un sujet brûlant dans les communautés Amérindiennes. Le destin de Soul aurait pu dériver sous l’emprise de l’alcool, « l’eau de feu » pernicieusement distribuée par les Blancs, mais l’écriture salvatrice de son histoire va lui permettre de reprendre le cours de sa vie. Le récit est sensible, authentique, sans doute au vu des origines personnelles de Richard Wagamese, il a valeur de document, possède une atmosphère marquante . Un coup de cœur, pour moi en lisant les superbes descriptions des paysages de son enfance, les coutumes en harmonie avec la Nature relayées par la grand-mère.

 

* Né en 1955 en Ontario, Richard Wagamese (14 octobre 1955 - 10 mars 2017) est un écrivain et journaliste ojibwé de nationalité canadienne. Auteur de 13 livres traduits en anglais pour différents éditeurs du Canada anglophone, il est le premier Autochtone d'Amérique à gagner un prix national en tant que journaliste et également lauréat du Conseil Canadien des Arts (prix 1993).


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