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Kaem
Légende

Il y a 21 jours | 91 vues

Lire Lolita à Téhéran d’Azar Nafisi

Ce roman inhabituel, bien qu'il ne comporte pas de rebondissements surprenants, a considérablement accéléré mon rythme cardiaque. Je pourrais le résumer brièvement : en plein cœur de la révolution iranienne, une professeure renommée organise des réunions secrètes chaque semaine pour soutenir quelques étudiantes talentueuses. Leur mission : discuter du pouvoir de la fiction littéraire et de son impact sur la vie de chacun. Néanmoins, ce décor global ne sert qu'à nous emmener dans un voyage inoubliable suspendu entre le réel et l'imaginaire.

La narration à la première personne m'a permis d'entrer rapidement dans l'histoire qui débute par un événement symbolique. Huit femmes sont prises en photo : en robes longues et dans des tenues uniques qu'elles portent en dessous. Cette session allégorique ouvre la discussion sur la situation des femmes après les restrictions imposées par la révolution iranienne des années 80. Le combat perpétuel qu'elles mènent pour être elles-mêmes dans un pays où leur rôle est négligé m'a profondément touché. L'auteure a su rendre hommage à la singularité de ses étudiantes, qui utilisaient les séminaires clandestins pour exprimer leurs pensées et leurs émotions les plus profondes vis-à-vis de la transformation de la loi, devenue radicalement islamiste.

Toutefois, je pense que ce récit est principalement un hommage au pouvoir de la littérature. Pendant cette période mouvementée, la professeure et ses étudiants se consacraient à la lecture et à l'analyse des romans occidentaux en prenant en compte différentes perspectives d’interprétation ainsi que leur situation personnelle. Malheureusement, je n'ai pas eu l'occasion de lire la plupart des ouvrages mentionnés, c’est pourquoi j’avais du mal à suivre certains passages. En revanche, j'ai vraiment aimé tous les échanges philosophiques, surtout ceux avec le mystérieux personnage du Magicien. J'étais fasciné par la façon dont la littérature était perçue comme une force presque magique qui permet de s'écarter d'une réalité dévalorisante, d'accéder à un refuge qui permet de se définir, et ainsi de préserver une liberté intérieure.

C'est un beau roman, féministe, philosophique, autobiographique, qui, à mon avis, constitue une sorte de réconciliation de l'auteure avec son exil aux États-Unis et avec ses choix de vie :

« C’est terrifiant d’être libre, terrifiant d’avoir à porter la responsabilité de nos décisions. -Et de ne pas avoir une République islamique à blâmer ».

C'est aussi un témoignage remarquable où la professeure prouve que la littérature peut unir les gens, quelles que soient les circonstances de sa découverte.


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