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Il y a 18 jours | 52 vues

LE PALAIS De VERRE ( Simon Mawer)

 

Véritable fresque historique et artistique, ce roman convoque l’architecture atypique et audacieuse d’une villa de 900m2, la villa Laudauer située à Brno-Mesto dans le quartier de Černá Pole, en Moravie du Sud, Tchécoslovaquie pour narrer une fiction captivante . Conçue à l’origine pour un couple amoureux (Viktor et Liesel Landauer ),  elle devient le témoin de dramatiques bouleversements liés aux remous de la seconde guerre mondiale.

 

C’est elle, l'héroïne du roman, elle, qui sert de faire-valoir aux postures des  personnages , orchestre leurs aspirations et leurs destins sur fond de Grande Histoire. Son plan moderne module l’espace avec des parois de verre qui tutoient la lumière  et sa construction toute de béton,  brique, et acier façonne une architecture légère et  fonctionnelle chère à son auteur, Rainer Von Apt, un architecte allemand gagné aux idées nouvelles de Le Corbusier, du Bauhaus ou des artistes hollandais du mouvement De Stijl : « L’homme était à peine sorti de ses grottes qu’il s’est mis à en construire ! Mon souhait est de le sortir de sa grotte et de le faire flotter dans les airs. Je souhaiterais pouvoir lui donner un espace de verre dans lequel vivre. »

 

Si la réalisation semble épurée et spartiate, le luxe est omniprésent  dans la palette de tous les matériaux : sol en travertin d’Italie, panneau en bois d’ébène de Macassar, et une paroi en onyx du Maroc qui change de couleur selon l’angle des rayons du soleil, ce dont Simon Mawer sait tragiquement tirer parti : »Un phénomène remarquable se produit dans le mur d’onyx : les rayons du soleil couchant filtrant par les fenêtres se concentrent dans les profondeurs de la pierre, brûlent comme des flammes, l’emplissent d’or et de rouge. Ce croisement de la pierre et du soleil est une manifestation fondamentale comme une éclipse ou l’apparition d’une comète, une sorte de prodige. A moins qu’il ne s’agisse d’une vision de l’enfer. Des feux de l’enfer. »

 

Le luxe d’une famille riche n’exclue pas l’enfer de son devenir. La Tchécoslovaquie est un des premiers pays envahi par Hitler et Viktor Landauer est l'héritier d'une famille juive. Avec Liesel , ses deux enfants Ottilie et Martin, la gouvernante Katalin (également sa maîtresse)accompagnée de sa fille Marika,  il opte pour  l’exil en Suisse, puis en Amérique, alors que d’autres de leurs amis (Oskar, Hana) subissent les affres de l’occupation et de la déportation.  

 

La maison de verre , quant à elle, abrite d’autres occupants , un laboratoire d'anthropométrie expérimentale nazi, un régiment soviétique de passage, et plus tard, un gymnase pour enfants handicapés. Son chemin est fait de hasard et de nécessité, comme le sont empreintes les destinées des différents personnages. Leur histoire et son contexte , l’évocation de leurs amours parfois complexes et tourmentés, leurs rêves, leurs souffrances m’ont fait l’effet d’un reflet nu et intime , celui que pourrait renvoyer le verre avec une quête de transparence dans les atermoiements des relations adultères. Signe, peut-être que ce Palais de verre a bien une âme, celle d’un lieu qui a vécu pour et par ses habitants.

 

Simon Mawer nous offre un survol original et bien documenté du XXème siècle Dès le début, on devine qu’il y aura un retour dans le palais de verre dont la propriétaire (et c’est un paradoxe) a perdu la vue, cela donne envie bien sûr d’en savoir beaucoup plus. Dès lors, on ne lâche plus ce roman !  Un vrai coup de cœur fictionnel pour moi qui aime les romans historiques , une découverte artistique appréciée. Je suis toujours admirative de ces auteurs qui parviennent à implanter des personnages avec beaucoup de talent dans des contextes parfaitement documentés. J’ai pris véritablement plaisir à lire cette saga familiale dont le focus peu commun privilégie le bâtiment aux hommes, donnant ainsi,  au genre, un nouveau souffle.

 

Bravo à Simon Mawer !

Je conseille vivement.❤️❤️❤️

 

 

*pour info :

La vraie histoire de la villa Tugendhat :

L’histoire commence lorsque Fritz Tugendhat, un riche fabricant de laine, épouse Greta Low-Beers, fille d’un industriel ayant également fait fortune dans le textile. En cadeau de mariage, les deux tourtereaux reçoivent de leurs parents une parcelle surplombant la ville de Brno, en Moravie du Sud (République tchèque). Pour concevoir leur nid d’amour, les jeunes mariés font appel à l’architecte allemand Ludwig Mies van der Rohe, alors directeur du Bauhaus, la célèbre école de design. Is y ont emménagé en 1930 et ne l’ont occupée que huit ans. Ils ont été contraints, étant Juifs, de quitter la Tchécoslovaquie devant la menace de l’expansion allemande, et n’y sont jamais revenus. La Gestapo l’a réquisitionnée et, après la guerre, l’État tchécoslovaque l’a fait sienne. Elle est  classée au patrimoine mondial de l'UNESCO depuis 2001.

 

*ça me donne très envie d'aller la visiter! Un jour, qui sait ?

 

 

 

 


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