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Regine
Expert

Il y a 2 ans | 233 vues

La sirène d'Isé

Plongez dans ce très beau roman envoûtant et d'une beauté onirique ensorcelante.

Mes pensées sont encore dans ce lieu d'une beauté singulière, les Descenderies un ancien hôpital maritime du docteur Riwald dont les immenses baies vitrées baignent sur l'océan.
Ce vaisseau de pierres protégé à l'avant par l'immensité iroise et à l'arrière par un jardin labyrinthe, prend les allures étonnantes d'un fief moyenâgeux imprenable.
Malgorne, l'enfant sourd devenu roi de ce royaume sur terre comme le dieu Poséidon sur les mers est le gardien vivant des légendes portées par le souffle du vent et l'écho fantôme des cornes de brumes.

Dans la sirène d'Isé, l'écriture est magnifique, poétique à souhait, un tableau de couleurs aux équinoxes somptueux et de douce rêverie. Avec Hubert Haddad les mots s'évadent de leur enveloppe  « les vagues meurent d'être sauves dans un remous d'écume », chevauchent des territoires inconnus, se juxtaposent dans d'étranges combinaisons et rivalisent de beauté sortilège pour amadouer la violence des tragédies humaines.

L'océan chante, bouge, lèche les parois fragiles de la falaise. Il est ce rempart mais aussi le vaste transporteur des vaisseaux d'acier et des nouveaux naufragés de la mer qui s'invitent derrière la fable.
J'aime beaucoup cette manière de raconter une histoire tristement réelle dans une intemporalité surnaturelle.
J'aime la sonorité des mots, leur langage, je les visualise, je les entends et je les respire.
le lecteur est l'oreille de Malgorne, Malgorne est le maître de nos sens.

Il y a Malgorne « le cours visible des astres collait à son silence » et il y a Peirdre, la jeune fille mélancolique souffrant de solitude dans son sémaphore, sur le bec-de-l'aigle de l'autre côté de la baie « le crépuscule était sa délivrance ».
Ils sont tous les deux isolés, dans leur tour d'ivoire, la mer entre eux balayée par les lumières blanches du phare mais il suffit parfois d'un « il était une fois » pour que la vie surgisse là où on ne l'entendait plus.

J'étais dans un autre monde, dans un temps suspendu entre jardin et mer, au milieu des fleurs et des poteries, le ressac en fond sonore :
« Dans le clair-obscur du rêve tous les chemins égarent, rien ne commence ni ne s'achève et nul ne regarde où il marche ».

 


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