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Retour au challenge: Souvenirs ensanglantés
Il y a une vingtaine d’années, mon compagnon et moi avions prévu de partir quinze jours au Pérou pour les vacances d’été. J’imaginais déjà les lieux mythiques que nous allions visiter et je me réjouissais de partir... mais la perspective de l’avion m’angoissait un peu.
Il fallait compter 14 heures de vol au départ de Paris et il y aurait aussi des vols intérieurs qui devaient survoler la Cordillère des Andes. Sam me connaissant bien et ayant un sens de l’humour que je qualifierais de particulier (en toute sincérité c’est ce qui fait son charme), il me proposa quelques jours avant le départ de regarder le film « Les Survivants ». « C’est pour se mettre dans l’ambiance » me dit-il…
En effet, quelle bonne préparation psychologique au voyage ! En deux mots, si vous ne le connaissez pas, le film raconte l’histoire vraie d’une catastrophe aérienne survenue dans la Cordillère des Andes en 1972. Les survivants qui ont été secourus deux mois après le drame ont dû avoir recours au cannibalisme pour rester en vie. L’un d’entre eux a raconté cette histoire et c’est son livre qui a inspiré le film que nous allions regarder.
Quand on est pourvu d’un peu d’imagination, c’est tellement facile de penser à des scénarios catastrophe et je dois dire que ce film a donné du grain à moudre à mes rêveries morbides. Mais je ne voulais pas arrêter le film car j’avais ma fierté...
Le jour du départ, c’est l’estomac vide que je montai dans le long courrier, mais quelques bons films et une dose de résignation me permirent de passer le voyage assez sereinement. Les films proposés étaient des histoires sentimentales ou des comédies, pas de films catastrophe au programme !
Je ne sais pas vous, mais moi quand j’ai peur en avion j’observe l’équipage. Si tout le monde sourit, papote et fait son train-train même si la carlingue tressaute et que l’on entend des bruits bizarres, c’est que tout va bien. Et tout le long du vol, les hôtesses et stewards étaient très souriants.
Arrivés à Lima, je soufflai un grand coup et remerciai les dieux de la technologie et de la météo.
Trois jours plus tard, direction Cuzco. L’avion prévu était plus petit et nous allions survoler la Cordillère.
Nous nous installâmes dans la carlingue et je me retrouvai près du hublot, délicate attention de Sam pour me permettre d'admirer le paysage. L’hôtesse fit les démonstrations habituelles de sécurité : dépressurisation, évacuation d’urgence, toboggans, gilets de sauvetage. Je dis à Sam qu’on aurait dû emporter des boites de conserve dans nos bagages, au cas où. Je plaisantais, histoire d’oublier mes mains moites et de repousser des images angoissantes.
« Veuillez redresser le dossier de votre siège, attacher votre ceinture et remonter la tablette en face de vous. »
L’hôtesse s’installe face à nous, dans le sens inverse de la marche. Le départ est imminent.
L’avion commence à avancer. Je regarde l’hôtesse. Elle a sereinement croisé ses mains sur ses genoux, il ne lui manque que la tasse de thé.
L’avion gagne en vitesse. Il va vite. De plus en plus vite !
Pourquoi il ne décolle pas ??
Je commence à imaginer la fin de la piste, et nous en train de nous encastrer dans la montagne. Bam !! Fini !!
L’hôtesse est toujours immobile mais elle fixe un point devant elle d’un air concentré.
Soudain on entend un crissement !! On freine !! Fort !!! Tout le monde crie ! La force du freinage me pousse vers l’avant. L’hôtesse en face de moi est très crispée ! Elle est plaquée contre le dossier de son siège et regarde à droite et à gauche !
Ca crisse et freine toujours, mais l’avion continue d’avancer…. Les gens hurlent ! On va mourir !!
Enfin on s’arrête… Silence… Tout le monde se regarde, abasourdi. L’hôtesse se détache et se précipite vers le poste de pilotage.
Nous jetons un œil sur la piste et voyons un homme courir vers nous en poussant un fauteuil roulant vide. Un membre de l’équipage a-il fait un malaise ? Un passager ? Le pilote ?
Nous ne savons rien…
Enfin la voix du commandant au micro : « Mesdames et Messieurs, suite à un dysfonctionnement des instruments de mesures, nous avons dû interrompre le décollage en urgence. Veuillez quitter l’appareil dans le calme. Hébétés, nous sortons les uns après les autres.
Nous voilà dans l’aéroport à attendre et à cogiter en silence Sam et moi. Et si tout s’était détraqué plus tard quand nous étions en plein vol ? Et si ? Et si ?
On nous prie de patienter le temps qu’un autre avion soit mis à disposition. Dans l’intervalle, des techniciens vont et viennent autour de notre appareil
Au bout de deux heures, on nous demande enfin de nous présenter à l’embarquement. C’est le même appareil ! « Pas besoin de nouvel avion pour vous puisque celui-ci est réparé... Oui, tout a été vérifié… Et oui, vous repartez avec le même équipage. Personne n’a fait de malaise, mais il est obligatoire d’amener un fauteuil roulant devant l’avion après un arrêt d’urgence. »
Nous retournons donc à nos places, mais personne ne parle.
Démonstrations de sécurité. L’hôtesse attache sa ceinture en face de nous. Nos mains sont moites.
L’avion commence à avancer sur la piste, puis il prend son accélération, qui me semble durer une éternité. On roule, de plus en plus vite… et enfin nous quittons le sol.
Attentive à tous les bruits, je jette un œil vers l’hôtesse, qui se tient un peu trop crispée sur son siège pour parvenir à me rassurer. Je me tourne vers Sam qui me fait un sourire chaleureux mais un peu pâle.
Nous gagnons de l’altitude. L’avion glisse dans le ciel, et nous regardons la Cordillère des Andes se déployer juste en-dessous de nous.
C’est beau, et nous sommes si petits.
Une fois posés à Cuzco, je me tourne vers Sam et l’embrasse :
« La prochaine fois qu’on part en voyage, c’est moi qui choisis le DVD !
Il fallait compter 14 heures de vol au départ de Paris et il y aurait aussi des vols intérieurs qui devaient survoler la Cordillère des Andes. Sam me connaissant bien et ayant un sens de l’humour que je qualifierais de particulier (en toute sincérité c’est ce qui fait son charme), il me proposa quelques jours avant le départ de regarder le film « Les Survivants ». « C’est pour se mettre dans l’ambiance » me dit-il…
En effet, quelle bonne préparation psychologique au voyage ! En deux mots, si vous ne le connaissez pas, le film raconte l’histoire vraie d’une catastrophe aérienne survenue dans la Cordillère des Andes en 1972. Les survivants qui ont été secourus deux mois après le drame ont dû avoir recours au cannibalisme pour rester en vie. L’un d’entre eux a raconté cette histoire et c’est son livre qui a inspiré le film que nous allions regarder.
Quand on est pourvu d’un peu d’imagination, c’est tellement facile de penser à des scénarios catastrophe et je dois dire que ce film a donné du grain à moudre à mes rêveries morbides. Mais je ne voulais pas arrêter le film car j’avais ma fierté...
Le jour du départ, c’est l’estomac vide que je montai dans le long courrier, mais quelques bons films et une dose de résignation me permirent de passer le voyage assez sereinement. Les films proposés étaient des histoires sentimentales ou des comédies, pas de films catastrophe au programme !
Je ne sais pas vous, mais moi quand j’ai peur en avion j’observe l’équipage. Si tout le monde sourit, papote et fait son train-train même si la carlingue tressaute et que l’on entend des bruits bizarres, c’est que tout va bien. Et tout le long du vol, les hôtesses et stewards étaient très souriants.
Arrivés à Lima, je soufflai un grand coup et remerciai les dieux de la technologie et de la météo.
Trois jours plus tard, direction Cuzco. L’avion prévu était plus petit et nous allions survoler la Cordillère.
Nous nous installâmes dans la carlingue et je me retrouvai près du hublot, délicate attention de Sam pour me permettre d'admirer le paysage. L’hôtesse fit les démonstrations habituelles de sécurité : dépressurisation, évacuation d’urgence, toboggans, gilets de sauvetage. Je dis à Sam qu’on aurait dû emporter des boites de conserve dans nos bagages, au cas où. Je plaisantais, histoire d’oublier mes mains moites et de repousser des images angoissantes.
« Veuillez redresser le dossier de votre siège, attacher votre ceinture et remonter la tablette en face de vous. »
L’hôtesse s’installe face à nous, dans le sens inverse de la marche. Le départ est imminent.
L’avion commence à avancer. Je regarde l’hôtesse. Elle a sereinement croisé ses mains sur ses genoux, il ne lui manque que la tasse de thé.
L’avion gagne en vitesse. Il va vite. De plus en plus vite !
Pourquoi il ne décolle pas ??
Je commence à imaginer la fin de la piste, et nous en train de nous encastrer dans la montagne. Bam !! Fini !!
L’hôtesse est toujours immobile mais elle fixe un point devant elle d’un air concentré.
Soudain on entend un crissement !! On freine !! Fort !!! Tout le monde crie ! La force du freinage me pousse vers l’avant. L’hôtesse en face de moi est très crispée ! Elle est plaquée contre le dossier de son siège et regarde à droite et à gauche !
Ca crisse et freine toujours, mais l’avion continue d’avancer…. Les gens hurlent ! On va mourir !!
Enfin on s’arrête… Silence… Tout le monde se regarde, abasourdi. L’hôtesse se détache et se précipite vers le poste de pilotage.
Nous jetons un œil sur la piste et voyons un homme courir vers nous en poussant un fauteuil roulant vide. Un membre de l’équipage a-il fait un malaise ? Un passager ? Le pilote ?
Nous ne savons rien…
Enfin la voix du commandant au micro : « Mesdames et Messieurs, suite à un dysfonctionnement des instruments de mesures, nous avons dû interrompre le décollage en urgence. Veuillez quitter l’appareil dans le calme. Hébétés, nous sortons les uns après les autres.
Nous voilà dans l’aéroport à attendre et à cogiter en silence Sam et moi. Et si tout s’était détraqué plus tard quand nous étions en plein vol ? Et si ? Et si ?
On nous prie de patienter le temps qu’un autre avion soit mis à disposition. Dans l’intervalle, des techniciens vont et viennent autour de notre appareil
Au bout de deux heures, on nous demande enfin de nous présenter à l’embarquement. C’est le même appareil ! « Pas besoin de nouvel avion pour vous puisque celui-ci est réparé... Oui, tout a été vérifié… Et oui, vous repartez avec le même équipage. Personne n’a fait de malaise, mais il est obligatoire d’amener un fauteuil roulant devant l’avion après un arrêt d’urgence. »
Nous retournons donc à nos places, mais personne ne parle.
Démonstrations de sécurité. L’hôtesse attache sa ceinture en face de nous. Nos mains sont moites.
L’avion commence à avancer sur la piste, puis il prend son accélération, qui me semble durer une éternité. On roule, de plus en plus vite… et enfin nous quittons le sol.
Attentive à tous les bruits, je jette un œil vers l’hôtesse, qui se tient un peu trop crispée sur son siège pour parvenir à me rassurer. Je me tourne vers Sam qui me fait un sourire chaleureux mais un peu pâle.
Nous gagnons de l’altitude. L’avion glisse dans le ciel, et nous regardons la Cordillère des Andes se déployer juste en-dessous de nous.
C’est beau, et nous sommes si petits.
Une fois posés à Cuzco, je me tourne vers Sam et l’embrasse :
« La prochaine fois qu’on part en voyage, c’est moi qui choisis le DVD !
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27/10/2022 21:16
Super récit ! Mais quelle angoisse 😰
27/10/2022 14:33
merci beaucoup... :) tout est vrai sauf le prénom Sam que j'ai changé ;)
27/10/2022 14:19
Superbe !
27/10/2022 10:58
J’adore ! :)
27/10/2022 10:38
Belle histoire, bien narrée 😥
27/10/2022 10:16
moi j'aime pas l'avion...
:o@
mais j'aime bien votre récit
;o}
27/10/2022 10:04
une tres belle histoire