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Retour au challenge: Souvenirs ensanglantés
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Deux monstres d’acier se faisaient face. D’où je me tenais, je voyais parfaitement la gueule grande ouverte de celui qui plongeait vers nous depuis le nord. Combien pouvait-il peser ? Dix mille ? Quinze mille tonnes ? Il progressait avec une régularité qui faisait froid dans le dos. “9 mètres par heure”, me dit le gars casqué qui se tenait à deux pas devant moi. Un téméraire. Entre les deux monstres, il n’y avait que le vide et la promesse d’une chute de 270 mètres. Le temps était clair, et pourtant je distinguais à peine, quand j’osais me pencher, la rivière Tarn qui coulait tout en bas dans son lit de cailloux. De nouveau ce vrombissement et l’impression que nous allions verser, tomber et finir enfoui sous cette gigantesque masse. Mourir brisé en mille morceaux dans un noir absolu. Cette idée m’empêchait de respirer normalement. “Je ne veux pas mourir un 28 mai 2004, me répétais-je. Cette date ne rime à rien. Et je n’ai même pas encore déjeuné. Je ne veux pas mourir le ventre vide.” L’angoisse, non seulement me hérissait les poils, mais faisait aussi naître dans mon cerveau des pensées de plus en plus incohérentes. Heureusement, mon calvaire prit fin à 14 h 12 exactement, quand les deux tronçons de tablier du viaduc de Millau réussirent leur jonction et qu’après 15 mois d’un incroyable chantier il était possible de rejoindre à pied (2,5 kilomètres quand même) sans passer par la vallée le causse Rouge et celui du Larzac.
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