Veuillez commenter votre vote
, (0/0)
Retour
Réservé aux membres Menons l'enquête
Nolwenn franchit la porte de la ville close, sous la bruine, traverse le pont, qui donne sur le centre-ville de Concarneau. Il fait frais en ce 24 décembre, elle se calfeutre dans sa doudoune argentée. Tandis qu’elle longe le quai, elle sent une main qui la pousse violemment dans les eaux glaciales du port. Elle tombe, éclaboussant dans un grand fracas la coque d’un rafiot, amarré là. Elle tente de rester à la surface, de s’agripper à un cordage, en vain. Elle boit la tasse, ce qui l’empêche de crier. Elle agite les bras. Elle a tout juste le temps d’apercevoir une dernière fois les illuminations de Noël , au loin, mais elle se sent engourdie et ses forces s’épuisent. L’homme s’éloigne discrètement du port, dans la brumasse humide. Le crime parfait… Il est minuit dix, à cette heure-ci, les gens réveillonnent.
Le lendemain, les commandants Katell Kerloc’h et Enzo Leblond, pestent en apprenant qu’ils ont un cadavre sur les bras, le jour de Noël. Adieu le foie gras et la bûche ! Ils arrivent sur les lieux où on a repêché le corps. La victime ne présente pas de traces de contusion. D’après le légiste, elle est morte noyée, la veille, vers minuit. Une première enquête de voisinage n’a pas révélé de témoins. Les enquêteurs penchent donc d’abord pour la thèse du suicide.
Dans le portefeuille de la victime, qui se trouvait dans la poche zippée de sa doudoune, on trouve les personnes à contacter en cas d’urgence : ses parents et un certain Tanguy. Sur sa carte d’identité, une adresse à Paris. Elle s’était installée dans la région depuis peu. Dans l’autre poche de sa doudoune, on a découvert un ticket de caisse, daté du jour, pour le livre « L’homme qui pleure de rire » de Beigbeder. Dans son sac à dos se trouvait un paquet cadeau, contenant le livre en question et une carte de vœux pour Tanguy.
— Tu crois qu’on achète des cadeaux de noël juste avant de se balancer dans les eaux du port ? demande Katell, en passant sa main dans ses cheveux roux frisés.
— C’est louche, en effet, soupire le bel Enzo. Il faut qu’on interroge le destinataire de la carte et du cadeau : Tanguy. C’est son petit ami, de toute évidence. Peut-être encore un féminicide ?
Katell et Enzo se rendent dans le quartier de Kerandon où habite Tanguy, un jeune homme athlétique aux cheveux hirsutes.
.— Bonjour, Monsieur, Police, vous savez pourquoi nous venons vous voir ?
— Oui, vos collègues m’ont déjà prévenu et j’ai déjà répondu à leurs questions, dit-il, le visage marqué par la perte.
— Nous avons encore des interrogations. Vous deviez passer le réveillon avec votre amie Nolwenn ?
— Oui, c’était ma compagne depuis quelques mois.
— Que faisait-elle dans la ville close, hier soir, si tard ?
— Elle m’avait envoyé un texto, elle voulait s’imprégner de l’atmosphère des remparts, seule, à minuit, pour le roman qu’elle écrivait, avant de venir me rejoindre.
— Elle était autrice ?
— Oui, elle écrivait des romances épicées.
— Elle se sentait menacée, ces derniers temps ?
— Non, pas que je sache, elle n’avait pas de souci, si ce n’est l’angoisse de la page blanche. Elle m’avait confié qu’elle n’avait pas écrit une ligne aujourd’hui, ça la stressait. Son éditeur s’impatientait.
— Bien, merci, ne craignez rien, nous allons retrouver le coupable !
Enzo décide de téléphoner à l’éditeur même si la piste est mince. L’homme se montre navré. Il leur indique que Nolwenn Jolinom était bien autrice chez eux. Elle avait un très beau style épuré, elle était très présente sur les réseaux sociaux où elle mettait en avant ses romances suggestives.
Sur Facebook, Katell et Enzo trouvent le compte de Nolwenn, elle y poste des publicités pour ses écrits, avec des « trigger warning » comme elle dit, des avertissements. Ses messages sont souvent provocants, on voit qu’elle cherche à créer le « buzz ». À y regarder de près, elle a autant d’admirateurs que de détracteurs. Katell commence à établir la liste des plus virulents. Après plus d’une heure de recherches, elle lève les yeux de son carnet de notes :
— Un certain Pierre Jolinom a rédigé un avis négatif sous un vieux commentaire illustré d’une photo un brin racoleuse.
— Peut-être un parent éloigné qui ne supporte pas les romances un peu lestes ? suggère Enzo, admiratif de la trouvaille de sa coéquipière.
Après vérification, nos deux enquêteurs ne trouvent aucun Pierre Jolinom dans la parentèle de Nolwenn. Enzo et Katell poussent les investigations plus loin. Il y a bien un Pierre Jolinom à Concarneau, il vit au dessus de sa boutique d’informatique, en face de la ville close. Les deux policiers vont l’interroger. Il nie toute relation autre que virtuelle avec la jeune autrice, dont il a le droit de ne pas apprécier l’œuvre.
En regardant un cadre au mur, signé Nolwenn J. , Katell est surprise.
— Ce tableau est splendide, qui l’a peint ? S’enquiert-elle sur un ton faussement admiratif.
— Oui, c’est ma fille, elle a du talent.
— Que fait-elle dans la vie ?
— Elle est avocate, elle possède un cabinet ici à Concarneau.
Est-ce que la jeune avocate aurait voulu se débarrasser de l’autre Nolwenn Jolinom, son homonyme, qui aurait pu nuire involontairement à sa réputation ? Katell et Enzo se rendent dans son cabinet, face à la magnifique plage des sables blancs pour l’interroger.
— Oui, effectivement, mon homonyme me causait beaucoup de tort, elle me faisait perdre de la clientèle et je subissais des quolibets de la part de gens pensant que j’écrivais des romans égrillards, s’épanche la jeune femme.
— Où avez-vous fêté le réveillon ?
— En tête à tête avec mon père, chez lui.
— Bien vous allez recevoir une convocation pour une audition.
— Mais je ne l’ai pas tuée ! Ce n’est pas moi ! s’époumone-t-elle. J’avais rencontré mon homonyme, enfin cette... Nolwenn, pour évoquer le problème. Elle avait peur de son petit ami, il craignait sa notoriété de jeune femme, disons…délurée. Elle se sentait en danger. Il voulait qu’elle arrête d’écrire.
Katell et Enzo échangent un regard entendu. Il est urgent de retourner à Kerandon pour réinterroger Tanguy. Après avoir avalé un sandwich, ils retrouvent le jeune homme.
— Pourquoi m’aurait elle offert «L ’homme qui pleure de rire », si elle avait peur de moi ? plaide le jeune homme.
Katell et Enzo affichent une mine dubitative.
— Et la carte de vœux ! ajoute-t-il, les larmes aux yeux. Vos collègues me l’ont fait lire, elle est pleine d’amour.
Les deux enquêteurs acquiescent. En sortant de chez Tanguy, Katell reçoit un coup de fil de sa mère qui lui souhaite un joyeux noël :
— Je te passe ton père, tu sais comme il a peur pour toi...
— Bah, le taux de criminalité ici est plutôt bas ! la rassure Katell.
Son père lui souhaite de joyeuses fêtes, malgré les circonstances. Katell sourit, elle se sent soutenue même si elle sait que son père aurait voulu qu’elle choisît une autre voie. Soudain ses yeux s’illuminent. Et si c’était le père qui avait voulu protéger sa fille ? Il faut réentendre Pierre Jolinom !
Dans la nuit, au commissariat, sous le feu des questions de Katell, ce dernier finit par soulager sa conscience : sa fille, ce soir là, gravement déprimée par la mauvaise réputation que lui infligeait son homonyme s’était couchée très tôt, après le repas, vers 9 heures. Il avait vu , par hasard, passer la victime sous ses fenêtres, vers 11 heures dans la lueur blafarde des guirlandes et était sorti pour la suivre dans la ville close. Il l’avait finalement poussée dans les eaux glacées du port.
Katell et Enzo, ravis d’avoir bouclé cette enquête s’accordent enfin une petite pause et partagent un reste de bûche au café offerte par le commissaire, venu les féliciter.
Le lendemain, les commandants Katell Kerloc’h et Enzo Leblond, pestent en apprenant qu’ils ont un cadavre sur les bras, le jour de Noël. Adieu le foie gras et la bûche ! Ils arrivent sur les lieux où on a repêché le corps. La victime ne présente pas de traces de contusion. D’après le légiste, elle est morte noyée, la veille, vers minuit. Une première enquête de voisinage n’a pas révélé de témoins. Les enquêteurs penchent donc d’abord pour la thèse du suicide.
Dans le portefeuille de la victime, qui se trouvait dans la poche zippée de sa doudoune, on trouve les personnes à contacter en cas d’urgence : ses parents et un certain Tanguy. Sur sa carte d’identité, une adresse à Paris. Elle s’était installée dans la région depuis peu. Dans l’autre poche de sa doudoune, on a découvert un ticket de caisse, daté du jour, pour le livre « L’homme qui pleure de rire » de Beigbeder. Dans son sac à dos se trouvait un paquet cadeau, contenant le livre en question et une carte de vœux pour Tanguy.
— Tu crois qu’on achète des cadeaux de noël juste avant de se balancer dans les eaux du port ? demande Katell, en passant sa main dans ses cheveux roux frisés.
— C’est louche, en effet, soupire le bel Enzo. Il faut qu’on interroge le destinataire de la carte et du cadeau : Tanguy. C’est son petit ami, de toute évidence. Peut-être encore un féminicide ?
Katell et Enzo se rendent dans le quartier de Kerandon où habite Tanguy, un jeune homme athlétique aux cheveux hirsutes.
.— Bonjour, Monsieur, Police, vous savez pourquoi nous venons vous voir ?
— Oui, vos collègues m’ont déjà prévenu et j’ai déjà répondu à leurs questions, dit-il, le visage marqué par la perte.
— Nous avons encore des interrogations. Vous deviez passer le réveillon avec votre amie Nolwenn ?
— Oui, c’était ma compagne depuis quelques mois.
— Que faisait-elle dans la ville close, hier soir, si tard ?
— Elle m’avait envoyé un texto, elle voulait s’imprégner de l’atmosphère des remparts, seule, à minuit, pour le roman qu’elle écrivait, avant de venir me rejoindre.
— Elle était autrice ?
— Oui, elle écrivait des romances épicées.
— Elle se sentait menacée, ces derniers temps ?
— Non, pas que je sache, elle n’avait pas de souci, si ce n’est l’angoisse de la page blanche. Elle m’avait confié qu’elle n’avait pas écrit une ligne aujourd’hui, ça la stressait. Son éditeur s’impatientait.
— Bien, merci, ne craignez rien, nous allons retrouver le coupable !
Enzo décide de téléphoner à l’éditeur même si la piste est mince. L’homme se montre navré. Il leur indique que Nolwenn Jolinom était bien autrice chez eux. Elle avait un très beau style épuré, elle était très présente sur les réseaux sociaux où elle mettait en avant ses romances suggestives.
Sur Facebook, Katell et Enzo trouvent le compte de Nolwenn, elle y poste des publicités pour ses écrits, avec des « trigger warning » comme elle dit, des avertissements. Ses messages sont souvent provocants, on voit qu’elle cherche à créer le « buzz ». À y regarder de près, elle a autant d’admirateurs que de détracteurs. Katell commence à établir la liste des plus virulents. Après plus d’une heure de recherches, elle lève les yeux de son carnet de notes :
— Un certain Pierre Jolinom a rédigé un avis négatif sous un vieux commentaire illustré d’une photo un brin racoleuse.
— Peut-être un parent éloigné qui ne supporte pas les romances un peu lestes ? suggère Enzo, admiratif de la trouvaille de sa coéquipière.
Après vérification, nos deux enquêteurs ne trouvent aucun Pierre Jolinom dans la parentèle de Nolwenn. Enzo et Katell poussent les investigations plus loin. Il y a bien un Pierre Jolinom à Concarneau, il vit au dessus de sa boutique d’informatique, en face de la ville close. Les deux policiers vont l’interroger. Il nie toute relation autre que virtuelle avec la jeune autrice, dont il a le droit de ne pas apprécier l’œuvre.
En regardant un cadre au mur, signé Nolwenn J. , Katell est surprise.
— Ce tableau est splendide, qui l’a peint ? S’enquiert-elle sur un ton faussement admiratif.
— Oui, c’est ma fille, elle a du talent.
— Que fait-elle dans la vie ?
— Elle est avocate, elle possède un cabinet ici à Concarneau.
Est-ce que la jeune avocate aurait voulu se débarrasser de l’autre Nolwenn Jolinom, son homonyme, qui aurait pu nuire involontairement à sa réputation ? Katell et Enzo se rendent dans son cabinet, face à la magnifique plage des sables blancs pour l’interroger.
— Oui, effectivement, mon homonyme me causait beaucoup de tort, elle me faisait perdre de la clientèle et je subissais des quolibets de la part de gens pensant que j’écrivais des romans égrillards, s’épanche la jeune femme.
— Où avez-vous fêté le réveillon ?
— En tête à tête avec mon père, chez lui.
— Bien vous allez recevoir une convocation pour une audition.
— Mais je ne l’ai pas tuée ! Ce n’est pas moi ! s’époumone-t-elle. J’avais rencontré mon homonyme, enfin cette... Nolwenn, pour évoquer le problème. Elle avait peur de son petit ami, il craignait sa notoriété de jeune femme, disons…délurée. Elle se sentait en danger. Il voulait qu’elle arrête d’écrire.
Katell et Enzo échangent un regard entendu. Il est urgent de retourner à Kerandon pour réinterroger Tanguy. Après avoir avalé un sandwich, ils retrouvent le jeune homme.
— Pourquoi m’aurait elle offert «L ’homme qui pleure de rire », si elle avait peur de moi ? plaide le jeune homme.
Katell et Enzo affichent une mine dubitative.
— Et la carte de vœux ! ajoute-t-il, les larmes aux yeux. Vos collègues me l’ont fait lire, elle est pleine d’amour.
Les deux enquêteurs acquiescent. En sortant de chez Tanguy, Katell reçoit un coup de fil de sa mère qui lui souhaite un joyeux noël :
— Je te passe ton père, tu sais comme il a peur pour toi...
— Bah, le taux de criminalité ici est plutôt bas ! la rassure Katell.
Son père lui souhaite de joyeuses fêtes, malgré les circonstances. Katell sourit, elle se sent soutenue même si elle sait que son père aurait voulu qu’elle choisît une autre voie. Soudain ses yeux s’illuminent. Et si c’était le père qui avait voulu protéger sa fille ? Il faut réentendre Pierre Jolinom !
Dans la nuit, au commissariat, sous le feu des questions de Katell, ce dernier finit par soulager sa conscience : sa fille, ce soir là, gravement déprimée par la mauvaise réputation que lui infligeait son homonyme s’était couchée très tôt, après le repas, vers 9 heures. Il avait vu , par hasard, passer la victime sous ses fenêtres, vers 11 heures dans la lueur blafarde des guirlandes et était sorti pour la suivre dans la ville close. Il l’avait finalement poussée dans les eaux glacées du port.
Katell et Enzo, ravis d’avoir bouclé cette enquête s’accordent enfin une petite pause et partagent un reste de bûche au café offerte par le commissaire, venu les féliciter.
Veuillez commenter votre vote
, (0/0)
17/01/2022 17:22
Très bonne histoire, bravo !
18/01/2022 14:52
Merci Brighis ! :)
11/01/2022 12:59
Très belle participation, j'adore !!
11/01/2022 13:35
Merci ! :)
11/01/2022 09:58
c'est clair et concis, bravo
11/01/2022 10:42
Merci, Peter :)
23/12/2021 10:51
Une vraie nouvelle et une énigme rondement menée ! :)
23/12/2021 12:04
Merci pour votre lecture ! :)
20/12/2021 16:38
Une vrai énigme policière et, fort heureusement résolue rapidement si dans la réalité c'était pareil ce serait cool en tout cas bravo.
20/12/2021 16:45
Merci, Nadou :)