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La métavie
Dans mon petit appartement, en cette matinée venteuse, je mets mon casque de réalité virtuelle. Je quitte mon identité réelle. Isabelle devient Yza29 dans la Métavie, un nouveau monde numérique où évoluent la plupart de mes contemporains.
Comme, je suis un peu “garçon manqué“ dans la vraie vie, j’affuble mon avatar d’une coupe garçonne, l’habille d’un jean, d’un sweat-shirt et le chausse de jolies Doc Martens colorées. Des bottillons qui m’ont coûté une petite fortune en bitcoins mais je tiens à mon look androgyne, même dans la Métavie.
Je sélectionne, pour mon avatar, un corps tout en rondeurs, des joues poupines, un teint palot, des cheveux bruns aux reflets prune, de grands yeux verts en amande et quelques ridules, dignes de mes cinquante ans. Voilà, je me reconnais, je suis prête à partir à l’aventure.
Je n’ai aucun sens de l’orientation et me perds lamentablement dans la Métavie. Je demande mon chemin à un inconnu qui ressemble à un poulpe orange, il me guide vers une des librairies virtuelles où un vendeur qui ressemble, pour sa part, à un Don Quichotte en armure, me vend l’ebook de mes rêves. Il a utilisé pour ce faire des suggestions générées par des algorithmes. L’ouvrage est tout aussi hilarant, me promet-il, que mon roman préféré : “Sans nouvelles de Gurb” d’Eduardo Mendoza. Je télécharge l’ebook pour le lire plus tard.
L’espace est saturé de panneaux publicitaires. Mais le musée Picasso de la Métavie jouxte la librairie. Là, je passe des heures à contempler les œuvres pixelisées, accrochées à des cimaises virtuelles, en compagnie d’autres utilisateurs. L’un d’eux m’adresse la parole en coréen. Le temps que je cherche la fonction “traduction”, il a déjà disparu.
Je passe devant une boîte d’intérim virtuelle, j’y jette un œil par curiosité et remarque qu’on recherche, pour cet univers dématérialisé, des vendeurs, des animateurs, un maître-nageur, des coachs en tous genres. La plate-forme de bêta-lecture pour laquelle je travaille ne possède pas encore de succursale dans la Métavie.
Je décide de me téléporter à la ludothèque où je m’amuse à une partie de Jarnac endiablée avec des inconnus, venus des quatre coins de la Francophonie.
L’un d’eux m’invite à un atelier d’écriture virtuel. L’animateur nous propose un défi amusant : nous présenter sous la forme d’un personnage de roman. Une fois n’est pas coutume, je raconte ma vie. Je suis soufflée par l’inventivité des participants.
Après avoir fait la bise à mes nouveaux amis ( dans la Métavie, on peut, il n’y a pas de gestes-barrière), je me téléporte vers une zone commerciale et m’avise de faire les boutiques.
J’entre chez un parfumeur très connu, mais ici, bien sûr, impossible de sentir de nouvelles fragrances. Je parfume tout de même mon avatar avec ma signature favorite, Womanity de Thierry Mugler, monnayant quelques bitcoins. En sortant, je tombe sur la boutique d’un fleuriste, il a même des passiflores, mais ici encore l’expérience olfactive fait défaut.
Je passe devant une animalerie où l’on vend des chiens, des chats et des nac. De ma main désincarnée, je caresse un chat qui possède les traits de Garfield, une de mes BD préférées, découverte lors d’un séjour aux USA. Il se cambre affectueusement et ronronne. Mais la ronronthérapie ici est impensable, il manque toute la dimension sensorielle, la chaleur de l’animal, ses vibrations, le soyeux de son pelage…
Je ressors et passe la porte d’une chaîne de sushis. Je commande un plat virtuel à emporter, un chirashi saumon /avocat mais, bien entendu, il ne satisfait que ma vue : ça tombe bien, je suis au régime.
Avec mon “repas”, J’ai gagné une place gratuite pour un concert de mon choix dans la Métavie. J’opte pour de la guitare classique espagnole. J’entre les coordonnées de la salle et assiste à ce concert live, avec des aficionados du monde entier. Je dois avouer que la musique est émouvante, surtout “Asturias” d’Albeñiz qui me donne des frissons. Elle me transporte dans la péninsule ibérique que j’ai sillonnée naguère avec plaisir.
Au hasard de mes pérégrinations, j’arrive à la piscine de la Metavie, ou plutôt à un parc aquatique, agrémenté de palmiers. Cela me rappelle de merveilleux moments à l’Aquaboulevard de Paris. Mon avatar plonge dans le bassin, en forme de baleine, et nageote mais je ne sais pas bien comment agiter les bras et mon avatar se noie. Je renonce à payer en bitcoins pour lui apprendre à nager.
J’ôte nerveusement mon casque, plisse les yeux et me retrouve dans mon appartement, en cette fin de matinée venteuse. Flagada ou groggy, je ne sais pas, j’allume la radio sur France Culture. Vers midi, je fais une petite entorse à mon régime : de délicieuses crêpes maison garnies, accompagnées d’un cidre rosé. Enfin, je sors me ressourcer et me dégourdir les jambes au milieu des vrais arbres, où sifflent bourrasques et rafales, dans la forêt bretonne.
Dans mon petit appartement, en cette matinée venteuse, je mets mon casque de réalité virtuelle. Je quitte mon identité réelle. Isabelle devient Yza29 dans la Métavie, un nouveau monde numérique où évoluent la plupart de mes contemporains.
Comme, je suis un peu “garçon manqué“ dans la vraie vie, j’affuble mon avatar d’une coupe garçonne, l’habille d’un jean, d’un sweat-shirt et le chausse de jolies Doc Martens colorées. Des bottillons qui m’ont coûté une petite fortune en bitcoins mais je tiens à mon look androgyne, même dans la Métavie.
Je sélectionne, pour mon avatar, un corps tout en rondeurs, des joues poupines, un teint palot, des cheveux bruns aux reflets prune, de grands yeux verts en amande et quelques ridules, dignes de mes cinquante ans. Voilà, je me reconnais, je suis prête à partir à l’aventure.
Je n’ai aucun sens de l’orientation et me perds lamentablement dans la Métavie. Je demande mon chemin à un inconnu qui ressemble à un poulpe orange, il me guide vers une des librairies virtuelles où un vendeur qui ressemble, pour sa part, à un Don Quichotte en armure, me vend l’ebook de mes rêves. Il a utilisé pour ce faire des suggestions générées par des algorithmes. L’ouvrage est tout aussi hilarant, me promet-il, que mon roman préféré : “Sans nouvelles de Gurb” d’Eduardo Mendoza. Je télécharge l’ebook pour le lire plus tard.
L’espace est saturé de panneaux publicitaires. Mais le musée Picasso de la Métavie jouxte la librairie. Là, je passe des heures à contempler les œuvres pixelisées, accrochées à des cimaises virtuelles, en compagnie d’autres utilisateurs. L’un d’eux m’adresse la parole en coréen. Le temps que je cherche la fonction “traduction”, il a déjà disparu.
Je passe devant une boîte d’intérim virtuelle, j’y jette un œil par curiosité et remarque qu’on recherche, pour cet univers dématérialisé, des vendeurs, des animateurs, un maître-nageur, des coachs en tous genres. La plate-forme de bêta-lecture pour laquelle je travaille ne possède pas encore de succursale dans la Métavie.
Je décide de me téléporter à la ludothèque où je m’amuse à une partie de Jarnac endiablée avec des inconnus, venus des quatre coins de la Francophonie.
L’un d’eux m’invite à un atelier d’écriture virtuel. L’animateur nous propose un défi amusant : nous présenter sous la forme d’un personnage de roman. Une fois n’est pas coutume, je raconte ma vie. Je suis soufflée par l’inventivité des participants.
Après avoir fait la bise à mes nouveaux amis ( dans la Métavie, on peut, il n’y a pas de gestes-barrière), je me téléporte vers une zone commerciale et m’avise de faire les boutiques.
J’entre chez un parfumeur très connu, mais ici, bien sûr, impossible de sentir de nouvelles fragrances. Je parfume tout de même mon avatar avec ma signature favorite, Womanity de Thierry Mugler, monnayant quelques bitcoins. En sortant, je tombe sur la boutique d’un fleuriste, il a même des passiflores, mais ici encore l’expérience olfactive fait défaut.
Je passe devant une animalerie où l’on vend des chiens, des chats et des nac. De ma main désincarnée, je caresse un chat qui possède les traits de Garfield, une de mes BD préférées, découverte lors d’un séjour aux USA. Il se cambre affectueusement et ronronne. Mais la ronronthérapie ici est impensable, il manque toute la dimension sensorielle, la chaleur de l’animal, ses vibrations, le soyeux de son pelage…
Je ressors et passe la porte d’une chaîne de sushis. Je commande un plat virtuel à emporter, un chirashi saumon /avocat mais, bien entendu, il ne satisfait que ma vue : ça tombe bien, je suis au régime.
Avec mon “repas”, J’ai gagné une place gratuite pour un concert de mon choix dans la Métavie. J’opte pour de la guitare classique espagnole. J’entre les coordonnées de la salle et assiste à ce concert live, avec des aficionados du monde entier. Je dois avouer que la musique est émouvante, surtout “Asturias” d’Albeñiz qui me donne des frissons. Elle me transporte dans la péninsule ibérique que j’ai sillonnée naguère avec plaisir.
Au hasard de mes pérégrinations, j’arrive à la piscine de la Metavie, ou plutôt à un parc aquatique, agrémenté de palmiers. Cela me rappelle de merveilleux moments à l’Aquaboulevard de Paris. Mon avatar plonge dans le bassin, en forme de baleine, et nageote mais je ne sais pas bien comment agiter les bras et mon avatar se noie. Je renonce à payer en bitcoins pour lui apprendre à nager.
J’ôte nerveusement mon casque, plisse les yeux et me retrouve dans mon appartement, en cette fin de matinée venteuse. Flagada ou groggy, je ne sais pas, j’allume la radio sur France Culture. Vers midi, je fais une petite entorse à mon régime : de délicieuses crêpes maison garnies, accompagnées d’un cidre rosé. Enfin, je sors me ressourcer et me dégourdir les jambes au milieu des vrais arbres, où sifflent bourrasques et rafales, dans la forêt bretonne.
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23/12/2021 12:20
Bienvenue dans le meilleur des mondes ? ;) Un personnage virtuel qui ne manque pas de corps !
23/12/2021 13:06
Merci pour cette lecture attentive ! :)