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Je suivais la voie du cerf.
En cet été caniculaire, j’arpentais les coulées dans les forêts et les landes de Sologne. Tous les indices m’étaient bons pour comprendre comment les clôtures influençaient la vie des ongulés. Moquettes, laissées, poils, abroutissements…
En ce milieu d’après-midi la chaleur était intense et encore accrue par les vêtements très couvrants que je portais pour tenir les tiques à distance, le cuissard et les bottes pour n’être arrêté par aucune végétation ou mare, et le poids du sac avec mon matériel.
Je traversais une vaste lande sèche, zigzagant entre les genêts, bruyères et callunes, quand la coulée se divisa en deux branches, l’une suivant le bord du plateau, l’autre s’enfonçant dans d’épais buissons.
Je décidais de descendre vers cette promesse de vallon car la lande commençait à m’ennuyer.
Dès après le premier tournant, un grand if sembla marquer l’entrée de quelque-chose. La coulée le contournait et jouait avec un filet d’eau, tantôt le longeant, tantôt le traversant. Concentré sur ma progression, je n’anticipai pas le brutal changement de paysage : d’un pas au suivant, je passai d’une lumière écrasante à une telle pénombre que je dû stopper net, le temps que ma vue s’adapte.
Je me trouvais dans une chambre. Cela donnait l’impression d’une chambre tant la qualité du silence évoquait le calme du sommeil ; tant l’épaisse couche d’aiguilles évoquait le moelleux d’un matelas ; tant l’obscurité évoquait la nuit.
J’avais suivi la voie du cerf et j’étais chez lui. Il avait été ici tout juste avant moi. Sa présence était si forte que j’avais la sensation d’être lui. Je me figurai profiter de la fraicheur de cette futaie en surveillant l’espace extérieur ouvert à la lumière ; "personne ? je peux plonger mes pattes dans la rivière de ce fond de val ; ses méandres créent de petites plages pour entrer majestueusement dans l’eau ; les branches les plus basses sont à 2m, elles ne gêneront pas mes bois et je pourrai me tenir droit……"
C’était maintenant la fin d’après-midi. J’ai quitté ce havre de paix en remontant la pente opposée. Le paysage était vraiment beau dans le soleil couchant, mais pas aussi intime que ce fond de vallon.
Et là, observant la parcelle depuis le haut, je l’ai trouvé bien petit ce refuge, et plus si protecteur que ça. Il était bien fragile et exposé, le domaine vital de ce cerf à qui je venais de voler de précieux moments de sérénité.
Et alors j’ai eu honte ; de moi, de nous les hommes qui nous croyons chez nous partout, nous accaparons tous les territoires en repoussant toujours plus loin dans les lisières les vivants qui ne savent pas nous tenir tête. Et je me suis senti profondément triste, profondément conscient que nous n’avons jamais d’abri définitif, que la vie est un déséquilibre permanent et qu’aucun Vivant, jamais, ne doit baisser sa garde.
Depuis, je me protège, je fuis, je rase les murs ; depuis, je me transforme en courant d’air pour ne pas empiéter, jamais, sur le territoire des Autres.
En cet été caniculaire, j’arpentais les coulées dans les forêts et les landes de Sologne. Tous les indices m’étaient bons pour comprendre comment les clôtures influençaient la vie des ongulés. Moquettes, laissées, poils, abroutissements…
En ce milieu d’après-midi la chaleur était intense et encore accrue par les vêtements très couvrants que je portais pour tenir les tiques à distance, le cuissard et les bottes pour n’être arrêté par aucune végétation ou mare, et le poids du sac avec mon matériel.
Je traversais une vaste lande sèche, zigzagant entre les genêts, bruyères et callunes, quand la coulée se divisa en deux branches, l’une suivant le bord du plateau, l’autre s’enfonçant dans d’épais buissons.
Je décidais de descendre vers cette promesse de vallon car la lande commençait à m’ennuyer.
Dès après le premier tournant, un grand if sembla marquer l’entrée de quelque-chose. La coulée le contournait et jouait avec un filet d’eau, tantôt le longeant, tantôt le traversant. Concentré sur ma progression, je n’anticipai pas le brutal changement de paysage : d’un pas au suivant, je passai d’une lumière écrasante à une telle pénombre que je dû stopper net, le temps que ma vue s’adapte.
Je me trouvais dans une chambre. Cela donnait l’impression d’une chambre tant la qualité du silence évoquait le calme du sommeil ; tant l’épaisse couche d’aiguilles évoquait le moelleux d’un matelas ; tant l’obscurité évoquait la nuit.
J’avais suivi la voie du cerf et j’étais chez lui. Il avait été ici tout juste avant moi. Sa présence était si forte que j’avais la sensation d’être lui. Je me figurai profiter de la fraicheur de cette futaie en surveillant l’espace extérieur ouvert à la lumière ; "personne ? je peux plonger mes pattes dans la rivière de ce fond de val ; ses méandres créent de petites plages pour entrer majestueusement dans l’eau ; les branches les plus basses sont à 2m, elles ne gêneront pas mes bois et je pourrai me tenir droit……"
C’était maintenant la fin d’après-midi. J’ai quitté ce havre de paix en remontant la pente opposée. Le paysage était vraiment beau dans le soleil couchant, mais pas aussi intime que ce fond de vallon.
Et là, observant la parcelle depuis le haut, je l’ai trouvé bien petit ce refuge, et plus si protecteur que ça. Il était bien fragile et exposé, le domaine vital de ce cerf à qui je venais de voler de précieux moments de sérénité.
Et alors j’ai eu honte ; de moi, de nous les hommes qui nous croyons chez nous partout, nous accaparons tous les territoires en repoussant toujours plus loin dans les lisières les vivants qui ne savent pas nous tenir tête. Et je me suis senti profondément triste, profondément conscient que nous n’avons jamais d’abri définitif, que la vie est un déséquilibre permanent et qu’aucun Vivant, jamais, ne doit baisser sa garde.
Depuis, je me protège, je fuis, je rase les murs ; depuis, je me transforme en courant d’air pour ne pas empiéter, jamais, sur le territoire des Autres.
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