Veuillez commenter votre vote
, (0/0)
Retour
Chère Jeannette Perron
Je viens de fêter mes 74 ans. Un âge où on se retourne plus souvent sur sa vie qu’on ne regarde en avant. Et je voulais vous dire merci.
Je vous revois comme si c’était hier, avec vos lunettes dont les montures de métal cerclaient vos yeux gris qui m’ont offert le monde. Votre chignon poivre et sel , rond comme une brioche, votre blouse blanche et vos rondeurs maternelles . Vous n’en savez rien, mais vous avez tellement compté pour moi !
Dans cette petite école à trois classes, avec quatre tilleuls, c’est là qu’est né mon avenir , dans l’ombre de votre présence enveloppante qui ne manquait cependant pas d’autorité. Votre voix douce nous captivaient toutes, sans avoir recours à l’autorité. Moi je buvais vos paroles surtout à l’heure du conte. Vous saviez raconter. Sans livre. Uniquement avec la voix, vos gestes et vos yeux gris qui s’habitaient d’un rire, d’une émotion, d’un effroi, d’une question. Et gambadaient par trois les petits cochons, chantaient les oiseaux dans les jupes de Cendrillon, tous ces personnages prenaient vie dans mon univers de petite fille. Mon imagination gonflait comme un ballon bien loin bien haut, je doublais Jack sur son haricot magique, je roulais Galette en flèche sous le nez du renard, la main sur ma joue et le coude sur la table. Le bras engourdi et sous hypnose, je sursautais quand vous frappiez dans ses mains. Picoti ! Picota ! Mille petites fourmis me ramenaient à l’heure des mamans. 16h30.
J’avais 5 ans. La littérature m’apprivoisait dans votre regard bienveillant même quand j’avais peur du loup. C’est vrai qu’il avait de grandes dents jusque dans les fables de la Fontaine que vous nous récitiez chaque samedi matin . Comme une magicienne vous parliez d’un corbeau, d’une chèvre, d’une grenouille dont les avatars interrogeaient parfois mes propensions de petite fille aux bêtises.
Vous m’avez offert un merveilleux pouvoir : à 5 ans, je savais lire. J’ai posé mes rêves sur les pages, affamée de mettre en mots toute seule comme une grande ces histoires, de quoi faire la nique à l’ogre et au méchant loup. Mais surtout, vous m’avez guidée dans mes choix, ouvert ma voie : ENSEIGNER.
Je sais que vous ne lirez pas cette lettre, mais il me fallait l’écrire, pour vous rendre hommage. Pour dire aussi aux jeunes générations de regarder, d’écouter, il y a toujours autour d’eux des mentors qui allument une petite étincelle dans notre vie. La mienne s’appelait Jeannette Perron.
Respectueusement
J.B.
Je viens de fêter mes 74 ans. Un âge où on se retourne plus souvent sur sa vie qu’on ne regarde en avant. Et je voulais vous dire merci.
Je vous revois comme si c’était hier, avec vos lunettes dont les montures de métal cerclaient vos yeux gris qui m’ont offert le monde. Votre chignon poivre et sel , rond comme une brioche, votre blouse blanche et vos rondeurs maternelles . Vous n’en savez rien, mais vous avez tellement compté pour moi !
Dans cette petite école à trois classes, avec quatre tilleuls, c’est là qu’est né mon avenir , dans l’ombre de votre présence enveloppante qui ne manquait cependant pas d’autorité. Votre voix douce nous captivaient toutes, sans avoir recours à l’autorité. Moi je buvais vos paroles surtout à l’heure du conte. Vous saviez raconter. Sans livre. Uniquement avec la voix, vos gestes et vos yeux gris qui s’habitaient d’un rire, d’une émotion, d’un effroi, d’une question. Et gambadaient par trois les petits cochons, chantaient les oiseaux dans les jupes de Cendrillon, tous ces personnages prenaient vie dans mon univers de petite fille. Mon imagination gonflait comme un ballon bien loin bien haut, je doublais Jack sur son haricot magique, je roulais Galette en flèche sous le nez du renard, la main sur ma joue et le coude sur la table. Le bras engourdi et sous hypnose, je sursautais quand vous frappiez dans ses mains. Picoti ! Picota ! Mille petites fourmis me ramenaient à l’heure des mamans. 16h30.
J’avais 5 ans. La littérature m’apprivoisait dans votre regard bienveillant même quand j’avais peur du loup. C’est vrai qu’il avait de grandes dents jusque dans les fables de la Fontaine que vous nous récitiez chaque samedi matin . Comme une magicienne vous parliez d’un corbeau, d’une chèvre, d’une grenouille dont les avatars interrogeaient parfois mes propensions de petite fille aux bêtises.
Vous m’avez offert un merveilleux pouvoir : à 5 ans, je savais lire. J’ai posé mes rêves sur les pages, affamée de mettre en mots toute seule comme une grande ces histoires, de quoi faire la nique à l’ogre et au méchant loup. Mais surtout, vous m’avez guidée dans mes choix, ouvert ma voie : ENSEIGNER.
Je sais que vous ne lirez pas cette lettre, mais il me fallait l’écrire, pour vous rendre hommage. Pour dire aussi aux jeunes générations de regarder, d’écouter, il y a toujours autour d’eux des mentors qui allument une petite étincelle dans notre vie. La mienne s’appelait Jeannette Perron.
Respectueusement
J.B.
Veuillez commenter votre vote
, (0/0)
27/05/2024 20:35
Joli et émouvant, félicitations AMB !
25/05/2024 12:26
Bravo à toi ! Une émouvante missive !
25/05/2024 11:25
bravo très joliment écrit et plein d'émotions
22/05/2024 21:07
Prof de français donc ! bravo à Mme Jeannette ... et à toi, bien sûr, J... !
24/05/2024 13:12
Mon institutrice de Grande Section de maternelle, OR...😊
25/05/2024 00:02
Ah, les maîtresses ! comme j'ai aimé la mienne aussi ! c'était Melle Château, tu imagines les belles histoires qu'elle a pu nous lire , J... !
22/05/2024 16:49
Superbe ! Une très belle et émouvante missive, merci à toi !
21/05/2024 18:11
Très bel hommage.
Je pense que nous avons tous un/une enseignant/e qui nous a marqué et donné envie d'aller plus loin dans notre apprentissage. Et il est rare que nous ayons l'occasion de leur dire merci.
21/05/2024 17:34
C’est un magnifique hommage, Amb 😊